Parachat Yithro

« et toutes les paroles ont été dites au singulier »

La paracha de cette semaine contient l’un des passages les plus marquants de la Thora : les Dix commandements. Tous ont été formulés au singulier : « Je suis Hachem ton Dieu… », « tu n’auras pas… », « honore ton père et ta mère… », « tu ne tueras pas… », « tu ne commettras pas d’adultère… » Il y a là de quoi surprendre, d’autant plus que dans tous les passages précédents Hachem s’adresse à tout le peuple d’Israël par l’intermédiaire de Moïse et toujours au pluriel ! et en effet, c’est ainsi qu’il convient de faire lorsqu’on s’adresse à un public nombreux : on le fait au pluriel pour indiquer qu’on parle à l’ensemble des gens présents. Pourquoi donc les Dix commandements, quant à eux, ont-ils été formulés au singulier ?

Nahmanide explique (Chemot xx, 2) :

« et toutes les paroles ont toutes été dites au singulier… pour avertir que chaque personne serait individuellement sanctionnée pour ses transgressions, car Il parle avec chacun et c’est à chacun qu’il ordonne, afin qu’on ne croie pas qu’on va selon le majorité et que le particulier se sauverait avec elle. »

Jusqu’à présent, tous les événements concernaient le peuple d’Israël collectivement ; la sortie d’Égypte et le passage de la mer Rouge ont été des événements fondateurs pour le peuple d’Israël. Mais l’événement du Sinaï indique qu’il existe une relation pour ainsi dire personnelle entre Dieu et chacun des Hébreux en particulier ; chacun d’eux est ainsi personnellement responsable de ses actes.

Plus encore, affirme le Chem MiChmouel[1] (Yithro, année 5673, s.v. « Il semble ») :

« en ce que l’homme constitue un microcosme, les choses ayant portée universelle le touchent comme elles touchent le monde dans son ensemble… lorsque quelqu’un s’éveille à se débarrasser de toutes les nombreuses spéculations élaborées par les hommes et à sortir de l’obscurité de la souillure de ce monde et à s’attacher à la sainteté – c’est de la nature même de la sortie d’Égypte pour servir Hachem sur cette montagne-ci. »

Le processus historique qui traverse le monde en profondeur, le peuple d’Israël y compris, touche de même chaque personne individuellement. Quiconque exerce sur soi-même un certain effort et se débarrasse d’une mauvaise habitude, acquérant ainsi une nouvelle dimension d’être, a suivi de fait l’itinéraire allant de la sortie d’Égypte à la Révélation de la Thora et aboutissant à chacun de nous aujourd’hui. C’est ainsi d’ailleurs que le ressentent et le décrivent de nombreux repentis ayant fait retour à la Thora dont ils ont en quelque sorte reçue la révélation en particulier.

Citons, pour conclure, les propos de rabbi Haim ben Attar, le Or ha-Hayim ha-Qadoch, sur le verset 2 du chapitre 20 de Chemot, qui semble dire tout le contraire de ce que nous avons jusqu’ici énoncé, mais qui, à mon sens, complète harmonieusement le tableau :

« C’est pour cela que la Thora parle ici au singulier – ton Dieu – car la dimension des âmes saintes s’unifie et, à son niveau, la division qui règne dans ce monde éclaté n’a pas cours. »

En ce monde-ci, les hommes sont divisés, séparés les uns des autres. Mais en vérité, les âmes se situent dans une dimension d’unité telle que rien ne les sépare les unes des autres, bien qu’elles soient, en même temps, des âmes individuelles. Au moment de la Révélation, la dimension collective et les dimensions individuelles se sont unies. Tous se sont fondus dans la dimension collective et pourtant chacun a entendu la parole divine pour sa part et à son niveau propre.

Nahum Botschko

Traduit par Rav E. Simsovic


[1] Rabbi Samuel Borenstein de Sokhatchov, 1855-1926, petit-fils du Rabbi de Kotzk, son commentaire sur la Thora occupe une place de choix dans la littérature hassidique contemporaine.

Posté le par vbondoux dans Dvar Torah Laissez un commentaire

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